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Aernout Mik

30.4.2016-30.6.2016

Aernout Mik (*1962, NL) réalise des installations vidéos découlant de ses interrogations relatives aux instances politiques et aux disparités sociales de la communauté globale. Inspiré par les images diffusées quotidiennement dans les médias, Mik dirige des acteurs pour mettre en scène des vidéos multicanaux, projetées ensuite sur de grands écrans. Bien que ses vidéos soient des fictions, celles-ci se rapprochent visuellement du film documentaire, jouant ainsi avec l’ambiguïté de perception entre réalité et mise en scène. Aernout Mik va présenter au Centre d’art CentrePasquArt deux vidéos encore jamais montrées en Suisse.

L’exposition renvoie au postulat que les humains ont mis en place des systèmes – qui régissent entre autres la finance et certaines technologies – ne pouvant plus être maîtrisés, devenant par conséquent une menace existentielle. La catastrophe nucléaire de Fukushima, instigatrice de l’installation vidéo Cardboard Walls, est représentative de ce constat. Deux projections diffusent des images de réfugiés dans un camp aménagé de couchettes provisoires en carton. L’agitation s’accentue quand les membres de la direction de la compagnie responsable de l’accident entreprennent de s’excuser publiquement. Ce geste génère la frustration collective, la consternation, la solidarité et finalement la libération. L’installation spatiale dans la Salle Poma est également un labyrinthe de carton, permettant ainsi au spectateur de s’immerger dans la précarité de la situation. Il en résulte la prise de conscience que le danger des systèmes incontrôlés menace définitivement chacun de nous.

L’approche artistique d’Aernout Mik se base sur l’attention et le regard critique qu’il porte sur un monde constamment soumis à des tensions générées par l’économie et la politique. Un monde dans lequel la sécurité sociale et existentielle de la communauté occidentale est pour le moment encore assurée. Les conséquences du changement climatique ou du néolibéralisme compromettent toutefois les privilèges de cette civilisation. Si les médias relatent continuellement ces bouleversements inquiétants, beaucoup de gens semblent être immunisés contre ces signaux d’alarmes implicites. Il semble que tant que la vie dans cette zone de confort n’est pas menacée, ces problèmes restent comme un bruit de fond incommodant dans la vie quotidienne.

Lors de la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, les explosions ont été entendues à plusieurs kilomètres autour du site. Le 11 mars 2011, suite au tremblement de terre, l’alimentation électrique de la centrale a été interrompue, empêchant par là le refroidissement adéquat du noyau du réacteur et menant à la fusion des cœurs de plusieurs réacteurs. Aernout Mik part de cet événement dans son installation vidéo Cardboard Walls dans laquelle il s’intéresse à la perte de contrôle écologique et industrielle, l’exploitation et la contamination environnementale, la modification des rapports de force entre institutions et individus et, pour finir, la reconsidération de la pérennité de l’humanité.

Au centre de la salle d’exposition, deux écrans diffusent des images de réfugiés installés dans un hall aménagé à l’aide de fragiles constructions de carton séparant les espaces où s’amassent les effets personnels restants. Les réfugiés jouent aux cartes, dorment ou discutent. Le rituel d’excuse entreprit par les membres de la direction de la firme Tokyo Electric Power Company (Tepco) engendre une suite de manifestations passionnelles, dont tout débordement est empêché par l’émotion et l’incompréhension. Les rapports de pouvoir se déplacent de manière irritante quand les représentants de la firme se mêlent aux réfugiés et s’endorment sur les lits de fortunes. Dans une montée d’émancipation collective, l’apathie première se résorbe ; les gens arrachent les murs de cartons et les empilent finalement en un tas.

L’artiste créé une situation proche d’une possible réalité et s’inspire du fait que les mises en scène sont actuellement présentées sans questionnements comme des vérités. L’indentification aux protagonistes de la vidéo est alors aussi amplifiée par l’esthétique propre au film documentaire, qui laisse supposer la véracité de la fiction scénarisée. Le jeu avec les rituels quotidiens et les comportements sociaux nous met encore davantage dans une position de confiance. Cela peut déclencher un questionnement introspectif chez le spectateur, ainsi que l’évaluation de sa propre influence sur les systèmes économiques et politiques. Ces interrogations ont été abordées de manière approfondie dans la performance Untitled, 2013, lors du congrès de recherche FORMER WEST: Documents, Constellations, Prospects, à la Maison des cultures du monde de Berlin. La performance – dont la vidéo complète l’exposition – éprouve les frontières entre la désobéissance et le délit. Durant deux jours, les acteurs étaient présents aux conférences parmi les participants. Après un exposé particulièrement bien fréquenté, ils se sont soudain exprimés bruyamment en « parler en langue » et ont perturbé la concentration de l’auditoire. Leurs corps suggèrent alors la rébellion, émanent la révolte et s’adonnent finalement à une trance méditative.

Aernout Mik voit ses installations vidéos – scénographiée de manière à ce que l’on puisse y circuler – comme espace de présentation du présent dans lequel se produisent tant les acteurs que les spectateurs. Cardboard Walls est conçu sans gestes éloquents ni ajout d’ambiance sonore. L’œuvre aphone suit le processus d’identification entre les spectateurs – qui deviennent partie de l’œuvre – et pousse les protagonistes au premier plan, semblant ainsi rendre audible la fragilité du monde globalisé.

Aernout Mik, Ausstellungsansichten / vues d’exposition / exhibition views Kunsthaus Centre d’art Pasquart 2016
Fotos / Photos: D. Müller.
Commissaire de l’exposition; Damian Jurt, collaborater scientifique, Centre d’art Pasquart