Les installations aux multiples facettes de frölicher I bietenhader (Selina Frölicher & Micha Bietenhader, *1985) se distinguent par une approche aussi intelligente que variée de différents médias et composantes spatiales. Pour leur première exposition institutionnelle, les artistes ont imaginé une installation multimédia imposante dépassant les frontières des salles d’exposition tout en laissant pénétrer dans le musée les microcosmes des alentours du bâtiment.Plusieurs mois déjà avant l’ouverture de l’exposition, frölicher I bietenhader ont enregistré les premières images de structures architecturales, de faune et de flore entourant le CentrePasquArt. Les microcosmes ont particulièrement retenu leur attention dans le cadre de cette recherche: de minuscules bourgeons avant l’éclosion, des réseaux de racines, des coléoptères et toiles d’araignées ou encore des trainées de calcaire sur la façade du bâtiment, presque invisibles à l’œil nu. Parfois enrichi d’éléments (architecturaux) « étranges » plus ou moins irritants, le corpus de ces prises de vues n’a cessé d’augmenter pour finalement constituer le matériau brut de l’installation.

Ces images ont ensuite été retravaillées, distanciées ou laissées telles quelles avant d’être projetées, montrées sur des écrans plats ou des moniteurs de tous les genres et de toutes les époques. Les murs et les sols des galeries se transforment en carnets d’esquisses sur lesquels s’inscrivent des images en mouvement et des silhouettes numériques. Reproduites dans des formats habituels ou non, projetées en différé d’un lieu au suivant, ces images du monde extérieur sont partout perceptibles, mais jamais saisissables. Des éléments venus de l’extérieur apparaissent tour à tour intacts ou métamorphosés. La sculpturalité des appareils, des câbles et autre équipement technique devient partie intégrante de la ronde des images. Celle-ci se combine aux jeux d’illusions architecturales produites par le tournage et la projection d’éléments « étranges », en donnant lieu à un ensemble à première vue chaotique. Or, ce méli-mélo apparent a été méticuleusement mis au point. En effet, il suffit de prendre le temps d’une deuxième observation pour découvrir que les images entrent dans un jeu d’alternance. Bien que les câbles semblent de prime abord pendre nonchalamment du plafond, ils se révèlent avoir été arrangés avec intelligence et soin, tout comme la forme et l’intensité des ombres.

Pénétrer dans une installation de frölicher I bietenhader stimule les sens d’une manière parfois submergeante. Ce sentiment d’irritation est intentionnel et fait partie du concept du travail aux multiples facettes du duo d’artistes : d’une part, il sonde les possibilités et les limites des différents médias et, d’autre part, celles de la perception. frölicher I bietenhader réalisent des œuvres in situ dont la conception prend en compte non seulement l’espace d’exposition mais aussi de son environnement. Après une reconnaissance attentive sur le terrain, un premier brouillon du concept est travaillé en l’atelier, puis finalisé sur place. L’emploi ingénieux de la photographie, de projections, de webcams avec transmission en direct ainsi que d’autres médias analogiques et numériques permet au duo d’artistes de rompre avec les constantes spatio-temporelles pour présenter aux visiteurs leur propre variante du monde.

Avec le généreux soutien de 

Commissaire de l’exposition : Irène Zdoroveac