Kirsi Mikkola
1 juillet 2012 – 26 août 2012
Kirsi Mikkola
1.7.2012 – 26.8.2012
Le Centre d’art Pasquart présente la première exposition institutionnelle de l’artiste finnoise Kirsi Mikkola (*1959). Vivant actuellement à Berlin, Mikkola développe depuis quelques années une forme très personnelle de peinture abstraite. Au lieu d’amalgamer des traits de pinceau, elle aligne et superpose des bandes et des surfaces de couleur. Que ce soit dans des tableaux monumentaux ou des images de petit format, l’artiste ne cesse de dépasser ses propres limites par la complexité des structures filigranes et la combinaison parfois dissonante des couleurs. Elle-même considère sa production picturale non pas comme un processus où il s’agit de créer et d’affiner un tout harmonieux, mais plutôt comme un acte d’éruption concentrée.
Depuis plusieurs années, l’approche de Kirsi Mikkola remet en question et perturbe les conventions traditionnellement attachées au medium de la peinture. En effet, plutôt que d’appliquer le pigment directement sur la surface, elle recouvre d’une seule couleur des feuilles de papier qu’elle découpe ensuite en diverses formes, allant de lamelles fines comme des allumettes à des arcs plus expansifs et autres formes irrégulières. Enfin, l’artiste assemble ces différents éléments pour former des images aux couleurs intenses et en veillant à éviter toute forme de figuration.
Ainsi, les structures complexes de l’artiste finnoise se rapprochent de très près de l’idéal d’abstraction, en raison de l’élimination de tous les éléments référentiels : ses peintures ne renvoient qu’à elles-mêmes, sans déclencher d’associations d’idées, d’images mentales ou de souvenirs. Dans le travail de Mikkola, on peut tout au plus parler de la représentation visuelle des forces en soi – gravité, suspension, poids, mouvement –, notions abstraites qui trouvent un écho dans les formes et les rapports chromatiques de la peinture. Au travers de ces derniers, les caractéristiques formelles standard de la peinture abstraite – léger et lourd, chargé de traces et vide, droit et courbe, rapide et lent – sont tout au moins suggérées.
Kirsi Mikkola ne souhaite pas enfermer ces œuvres dans un carcan en les qualifiant de « collages », car ce terme est trop étroitement associé à la juxtaposition de fragments d’images figuratives provenant de sources extrêmement différentes (il n’est que de citer l’œuvre de Richard Hamilton ou de Hans-Peter Feldmann), ou à la réalisation d’une qualité de surface tactile. Le terme s’avère insuffisant pour les couches de papier de Mikkola, qui refusent de se laisser contenir dans le simple rectangle pictural traditionnel, débordant des limites normales entre l’objet de la peinture et l’espace du spectateur. Si les morceaux de papier dans son travail étaient reproduits en peinture, ils pourraient rappeler le style Hard Edge d’Ellsworth Kelly ou de Miriam Schapiro. Cependant, Mikkola est bien plus attirée par l’œuvre de Paul Klee, qui défie lui-même toute classification.
L’exposition présente à la fois des œuvres de grand format et des peintures plus petites. Alors que les dimensions des premières correspondent à celles des murs de l’atelier de Mikkola, les surfaces denses et hypnotiques des œuvres plus réduites favorisent inévitablement un tête-à-tête plus intime. Cependant, ce ne sont pas seulement les grands formats qui ont une présence monumentale : les tableaux plus petits retiennent tout aussi fortement l’attention, et malgré leur échelle réduite, conservent la qualité d’ouverture et le caractère expansif de leurs homologues plus exhaustifs. La palette, qui détonne – violets sales, verts brouillés et toute une gamme de gris doux –, est réduite dans chaque œuvre à une couleur principale qui occupe la surface comme la dernière application de papier. Cette couleur dominante prend souvent la forme d’un feu d’artifice, dont les rayons centripètes ou centrifuges (selon la perception du spectateur) plaquent sous eux une masse tourbillonnante de formes plus petites.
Dans sa tentative de redéfinir l’abstraction, le travail de Kirsi Mikkola se situe à la lisière de la peinture, au-delà des comparaisons habituelles avec d’autres artistes ou des références familières à la réalité. Malgré – ou peut-être grâce à – ce phénomène, l’artiste contribue fortement au discours de la peinture, à l’idée même de l’art contemporain. Imprégnés d’expérience et de conviction, ses travaux sont remplis de fraîcheur et de vivacité, et témoignent que les œuvres d’art les plus fascinantes recèlent un silence intérieur qui ne se dévoile jamais totalement lui-même.
Commissaires de l’exposition : Felicity Lunn, Directrice Centre d’Art Pasquart Bienne
Publication : Dans le cadre de l’exposition, un catalogue raisonné richement illustré (fr/all/en) paraît aux éditions
Kerber Verlag avec un texte de Felicity Lunn.